domenica 17 aprile 2011

Per il momento vorrei solo capire

Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. Chose vraiment étonnante — et pourtant si commune qu’il faut plutôt en gémir que s’en ébahir, de voir un million d’hommes misérablement asservis, la tête sous le joug, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et pour ainsi dire ensorcelés par le seul nom d’un, qu’ils ne devraient pas redouter — puisqu’il est seul — ni aimer — puisqu’il est envers eux tous inhumain et cruel. Telle est pourtant la faiblesse des hommes : contraints à l’obéissance, obligés de temporiser, ils ne peuvent pas être toujours les plus forts. Si donc une nation, contrainte par la force des armes, est soumise au pouvoir d’un seul — comme la cité d’Athènes le fut à la domination des trente tyrans, il ne faut pas s’étonner qu’elle serve, mais bien le déplorer. Ou plutôt, ne s’en étonner ni ne s’en plaindre, mais supporter le malheur avec patience, et se réserver pour un avenir meilleur.
Nous sommes ainsi faits que les devoirs communs de l’amitié absorbent une bonne part de notre vie. Il est raisonnable d’aimer la vertu, d’estimer les belles actions, d’être reconnaissants pour les bienfaits reçus, et de réduire souvent notre propre bien-être pour accroître l’honneur et l’avantage de ceux que nous aimons, et qui méritent d’être aimés. Si donc les habitants d’un pays trouvent parmi eux un de ces hommes rares qui leur ait donné des preuves d’une grande prévoyance pour les sauvegarder, d’une grande hardiesse pour les défendre, d’une grande prudence pour les gouverner ; s’ils s’habituent à la longue à lui obéir et à se fier à lui jusqu’à lui accorder une certaine suprématie, je ne sais s’il serait sage de l’enlever de là où il faisait bien pour le placer là où il pourra faire mal ; il semble, en effet, naturel d’avoir de la bonté pour celui qui nous a procuré du bien, et de ne pas en craindre un mal.
Mais, ô grand Dieu, qu’est donc cela ? Comment appellerons-nous ce malheur ? Quel est ce vice, ce vice horrible, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais servir, non pas être gouvernés, mais être tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants, ni leur vie même qui soient à eux? De les voir souffrir les rapines, les paillardises, les cruautés, non d’une armée, non d’un camp barbare contre lesquels chacun devrait défendre son sang et sa vie, mais d’un seul ! Non d’un Hercule ou d’un Samson, mais d’un hommelet souvent le plus lâche, le plus efféminé de la nation, qui n’a jamais flairé la poudre des batailles ni guère foulé le sable des tournois, qui n’est pas seulement inapte à commander aux hommes, mais encore à satisfaire la moindre femmelette ! Nommerons-nous cela lâcheté ? Appellerons-nous vils et couards ces hommes soumis ? Si deux, si trois, si quatre cèdent à un seul, c’est étrange, mais toutefois possible ; on pourrait peut-être dire avec raison : c’est faute de cœur. Mais si cent, si mille souffrent l’oppression d’un seul, dira-t-on encore qu’ils n’osent pas s’en prendre à lui, ou qu’ils ne le veulent pas, et que ce n’est pas couardise, mais plutôt mépris ou dédain ?
Enfin, si l’on voit non pas cent, non pas mille hommes, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir celui qui les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves, comment qualifierons-nous cela ? Est-ce lâcheté ?

[...]

Or ce tyran seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner. Pas besoin que le pays se mette en peine de faire rien pour soi, pourvu qu’il ne fasse rien contre soi. Ce sont donc les peuples eux-mêmes qui se laissent, ou plutôt qui se font malmener, puisqu’ils en seraient quittes en cessant de servir. C’est le peuple qui s’asservit et qui se coupe la gorge ; qui, pouvant choisir d’être soumis ou d’être libre, repousse la liberté et prend le joug ; qui consent à son mal, ou plutôt qui le recherche...

Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1576

Per il momento vorrei solo capire come mai tanti uomini, tanti villaggi, tante città, tante nazioni a volte sopportino un tiranno solo che non ha alcuna potenza se non quella che gli viene data, non ha potere di loro nuocere se non in quanto essi lo tollerano e non potrebbe far male a nessuno, se non preferissero patire da lui tutto piuttosto di contraddirlo. Cosa veramente sorprendente e al contempo comune, tanto che c'è più da dolersene che da stupirsene, vedere milioni e milioni di uomini asserviti come miserabili, a testa bassa sotto il giogo, non perché ne siano costretti per forza maggiore, ma perché ne sono affascinati e per così dire stregati dal solo nome di uno che non dovrebbero né temere - poiché è solo - né amare - poiché nei loro confronti egli è disumano e crudele. Tale è tuttavia la debolezza degli uomini: costretti all'obbedienza, obbligati a temporeggiare, non possono sempre essere i più forti. Dunque se una nazione, costretta dalla forza delle armi, è sottomessa al potere di uno solo, come lo fu la città d'Atene al dominio dei trenta tiranni, non bisogna stupirsi che sia servile, ma compiangerla. O, meglio ancora, né stupirsene né lamentarsene, ma sopportare la disgrazia con pazienza e riservarsi per un avvenire migliore.
Siamo così fatti, che i doveri comuni dell'amicizia assorbono buona parte della nostra vita. È ragionevole amare la virtù, stimare le buone azioni, essere riconoscenti per il bene ricevuto e a volte anche mettere un limite al nostro benessere per aumentare l'onore e i vantaggi di coloro che amiamo e che meritano di essere amati. Se dunque gli abitanti di un paese riescono a trovare tra di loro uno di quei rari uomini che abbia dato loro prova di grande preveggenza per salvarli, di grande coraggio a loro difesa, di grande prudenza per il loro governo; se alla lunga si abituano ad obbedirgli e si fidano di lui fino a riconoscergli una certa supremazia, non saprei proprio dire se sia saggio rimuoverlo da dove faceva bene per metterlo dove potrebbe fare male; sembra infatti naturale essere benevoli con colui che ci ha procurato del bene e di non temerne il male.
Ma, buon Dio, che cos'è mai questo? Come chiameremo questa disgrazia? Qual è questo vizio, questo vizio orribile di vedere un numero infinito di uomini non solo ubbidire ma servire, non essere governati ma tiranneggiati, non possedendo né beni, né genitori, né figli e neppure la vita stessa? Di vederli soffrire rapine, licenziosità, crudeltà, non da parte di un'armata o di un'orda di barbari contro cui ciascuno dovrebbe difendere il proprio sangue e la propria vita, ma da parte di uno solo! E non di un Ercole o di un Sansone, ma di un omuncolo che spesso è il più vile, il più effeminato di tutta la nazione, che non ha mai annusato la polvere delle battaglie e neppure calcato la sabbia di un torneo, che non è solamente inadatto a comandare gli uomini, ma anche occupato a soddisfare la minima femminuccia! Chiameremo questa viltà? Chiameremo vili e codardi questi uomini sottomessi? Se due, se tre, se quattro cedono ad uno solo, ciò è strano, ma tuttavia possibile; si potrebbe dire a ragione che è questione di mancanza di coraggio. Ma se cento, se mille persone si lasciano opprimere da uno solo, si dirà ancora che non osano prendersela con lui, o che non lo vogliono, e che non è codardia, ma piuttosto disprezzo e sdegno?
E infine, se vediamo non cento o mille persone, ma cento villaggi, mille città, milioni e milioni di uomini che non assalgono colui che li tratta tutti come servi e schiavi, come qualificheremo tutto ciò? È viltà?

[...]

Ora questo tiranno solo, non c'è bisogno né di combatterlo né di abbatterlo. Egli viene meno da solo, basta che il paese non se ne lasci asservire. Non si tratta di toglierli qualcosa, ma di non dargli nulla. Non c'è bisogno che il paese si sforzi di fare qualcosa per sé, basta che non faccia nulla contro di sé. Sono dunque i popoli stessi, che si lasciano o, per meglio dire, si fanno maltrattare, perché, smettendo di servire, essi sarebbero liberi. È il popolo che diventa servo e che si taglia la gola da solo, che, potendo scegliere tra essere sottomesso ed essere libero, respinge la libertà e accetta il giogo, che consente il proprio male o piuttosto lo ricerca...

Étienne de la Boétie, Discorso sulla servitù volontaria

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