Le mot mot ne veut rien dire (La parola parola non vuol dire niente)
Christophe Tarkos
Ça ne peut plus durer comme ça. Il y a quelque chose qui ne va pas. Dans l’utilisation faite du mot poésie, dans l’utilisation qui est faite du mot. Ce n’est pas possible. Il faut faire quelque chose. On se retrouve dans n’importe quoi, la divagation, on sait plus où on met les pieds, il y a tout et rien, personne ne sait plus ce qu’il fait, ça ne veut plus rien dire. La pensée créatrice, la beauté verbale sont réduites à des frivolités municipales, à des claquements de mains, s’engluent dans la bande sonore du championnat américain de basket, dans le chuchotement de phonèmes murmurés, ça tourne, ça peut tourner longtemps, occupe, occupe le terrain, lissé, bruisse, chauffe.
Christophe Tarkos, Manifeste chou, 1993
(Non può più durare così. C'è qualche cosa che non va. Nell'uso fatto della parola poesia, nell'uso che è fatto della parola. Non è possibile. Bisogna fare qualcosa. Ci ritroviamo in qualsiasi cosa, la divagazione, non sappiamo più dove mettere i piedi, c'è tutto e niente, nessuno sa più quello che fa, questo non vuol più dire niente. Il pensiero creativo, la bellezza verbale sono ridotti a frivolezze municipali, a battiti di mani, si incollano nella banda sonora del campionato americano di basket, nel sussurro di fonemi mormorati, funziona, può funzionare a lungo, occupa, occupa il terreno, levigato, rumoreggia, scalda.)
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Le monde mincit se décharne devant Où sont les poètes Qu'ils sortent dans la rue et montrent qu'on y respire avec largeur Qu'on entende le bruit que font leurs chaussures sur les escaliers de la bibliothèque qu'on voie leur sourire et leur regard alerte défier la morosité des gardiens
Tapage à leur passage dans la ville
Yael Weiss, Cahier de violence, 2009
(Quando leggo una poesia mi infurio quando le labbra inciampano sulla parola "parola" o sulla parola "frase" e soprattutto sulle parole "penna" e "pagina"
Il mondo dimagrisce gli si striminzisce davanti Dove sono i poeti Che scendano in strada e mostrino che vi si respira con larghezza Che si ascolti il rumore che fanno le loro scarpe sulle scale della biblioteca che si veda il loro sorriso e il loro sguardo svelto sfidare la tristezza dei portinai
Baccano al loro passaggio nella città)
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((piccolo tributo alla poesia non époustouflante. un'autocritica, anche. e soprattutto un dolore.))
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La parole est irréversible, telle est sa fatalité. Ce qui a été dit ne peut se reprendre, sauf à s’augmenter : corriger, c’est, ici, bizarrement, ajouter. En parlant, je ne puis gommer, effacer, annuler ; tout ce que je puis faire, c’est de dire « j’annule, j’efface, je rectifie », bref de parler encore. Cette très singulière annulation par ajout, je l’appellerai « bredouillement ». Le bredouillement est un message deux fois manqué : d’une part on le comprend mal, mais d’autre part, avec effort, on le comprend tout de même ; il n’est vraiment ni dans la langue ni hors d’elle : c’est un bruit de langage comparable à la suite des coups par lesquels un moteur fait entendre qu’il est mal en point ; tel est précisément le sens de la ratée, signe sonore d’un échec qui se profile dans le fonctionnement de l’objet. Le bredouillement (du moteur ou du sujet), c’est en somme une peur : j’ai peur que la marche vienne à s’arrêter.
Roland Barthes, Le bruissement de la langue, 1975
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