lunedì 1 marzo 2021

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A Lisa S.

- Personnellement, j'ai jamais vraiment arrêté
de donner de dictées. C'est un moment
vraiment sympa. Les mômes sont extrêmement
concentrés, à faire une seule chose à la fois
impossible de lever le nez sinon tu rates
un mot, tout le monde est bien aligné
dans la même position, on entend les mouches.
Bref, c'est très reposant. Et puis
ils sentent qu'ils font quelque chose d'important.
En tout cas, ils font comme s'ils le sentaient. La
tentation, ce serait de tout dicter histoire d'avoir la paix.
Mais ça marche pas. Si tu dictes
autre chose qu'une dictée, t'as le bordel. Le bordel
le brouhaha, ou un peu de bruit, c'est ce que tu as
quand tu ne dictes pas une dictée, et ça, faut bien
se le mettre dans la tête et le plus vite possible,
si on veut pas être déçu. Après, il y a des moments de 
concentration très aigus, seuls ou à plusieurs
mais la qualité de silence que t'as 
avec la dictée, y a rien de comparable. Seuls les profs
qui font régner la terreur l'obtiennent. Je suppose qu'on
pense que ces profs-là n'existent plus, mais y en a
encore, par petites unités, un par bahut. Y a un 
deuxième avantage que t'as avec la dictée
c'est la correction. Rien de plus cool à corriger
qu'une dictée : ça demande zéro concentration.
Tu peux très bien écouter la radio ou
regarder la télé en même temps ; c'est de la
mécanique. Toujours les mêmes fautes sur les mêmes
mots, du coup tu finis par passer à vitesse grand V
sur toutes les copies et t'abats
un paquet de trente en une demi-heure max.
Y a rien de plus rapide à corriger qu'un paquet de
dictées. T'as des notes, tu les rends, les parents
comprennent et tout le monde est content.
On a pu faire chier des profs pour une phrase 
dans Artaud ou dans Zola, un geste ou de
l'humour mal compris, mais on a jamais emmerdé
personne parce qu'il donnait trop de dictées - en
tout cas, j'en ai jamais entendu parler. La dictée notée
sur 20, c'est le seul exercice où tu peux te récolter
- 40, et à ce que je sache, ça n'a jamais étonné
personne. - 40, c'est probablement un dyslexique.
En 2010, ils se tapaient encore la dictée en entier
et la descente en enfer. La plupart
on croyait qu'ils étaient bêtes.
C'est là que d'un coup, à un moment, j'ai réalisé
que mes meilleurs amis étaient nuls en orthographe
et que je vivais avec un dyslexique qu'on avait pris
pour un abruti pendant toute sa scolarité et qui
finalement avait fait des études supérieures -
tout comme mes amis nuls en orthographe. Mais alors
s'il y avait des gens nuls en orthographe et capables
de développer une pensée et une appréhension
sensible du monde, ça impliquait a contrario
qu'il y avait des gens à l'orthographe impeccable
qui pensaient comme des pommes ou qui étaient
vraiment cons.
On connaît tous des cons qui font pas de fautes, non ?
Il paraît que sur les applis de rencontres, ça trie
par l'orthographe
ceux qui écrivent sans fautes branchent
ceux qui écrivent sans fautes 
et s'auto-sélectionnent comme ça socialement
sous-entendu que les pauvres sont incapables
d'aligner deux lignes et en général de s'exprimer?
C'est pour ainsi dire l'aboutissement d'une manière
de voir les choses, la société telle qu'elle fonctionne
et telle qu'on croit qu'elle est ; pour ainsi dire le
couronnement d'une centaine d'années d'école
publique et privée, confessionnelle ou laïque et
obligatoire, parce qu'un niveau de l'orthographe et de
son respect c'est pareil des deux côtés. On peut
s'écharper sur le genre de rapport au zizi
mais certainement pas sur l'accord du
participe passé avec avoir quand le complément d'
objet direct est placé avant le verbe, là, tout le monde
est d'accord pour dire que le savoir c'est une preuve d'
intelligence puisque c'est pas facile à comprendre
(et en effet, c'est incompréhensible). Récemment
j'étais surprise de ce que de plus en plus de mes
collègues laissaient des fautes 
dans leurs communications (depuis l'arrivé de
l'informatique, on n'arrête pas de s'écrire). Les mômes
aussi le remarquent :
- Vous avez vu, monsieur Truc il fait plein de fautes !
Je tempère :
- Lamartine aussi il en faisait plein, et il est devenu
député. Malgré tout, j'avais dans la tête que les
fonctionnaires font pas de fautes, pas parce que
le concours agirait magiquement et que dès lors
que vous l'avez passé  vous n'en faites plus, bien sûr
mais parce que l'orthographe, c'est quelque chose
d'extrêmement surveillé dans la fonction publique
tout comme les fonctionnaires sont extrêmement 
surveillés (c'est ce qu'on appelle le devoir de réserve).
Eh bien, ni l'un ni l'autre.
Il n'y a aucun texte de loi qui dise que le fonctionnaire
doit avoir une bonne orthographe. Y a bien une 
légende, celle du décret 1832. Mais ce fameux
décret, il a jamais existé que dans les têtes. Pareil
pour le devoir de réserve dans l'armée, mais pas
dans l'éducation publique ; c'est d'ailleurs la raison
pour laquelle un ministre a dernièrement inclus
un entrefilet de loi dans lequel il précise que désormais
il y a un devoir d'exemplarité pour les profs
(c'est parce que des profs avaient un peu rechigné à sa
réforme ; il aime pas que ses profs rechignent). Du coup
le devoir de réserve dans l'éducation nationale 
il a jamais existé que dans les têtes aussi.
C'est assez troublant quand même, cette manie
de s'inventer des lois qui existent pas dans le droit et
qui vont toutes dans le même sens de plus de
contraintes. Par exemple
(en tout cas dans l'éducation nationale)
on se met jamais à fantasmer des lois qui iraient vers
plus de liberté ou plus d'égalité. On se fabrique 
son petit droit en interne
qui fait jouer le martinet. Plus royaliste que le roi.
Plus dirigeant que l'Etat. Plus
administrant que l'institution.
Plus répressif que la
police.

Nathalie Quintane, Un hamster à l'école, La fabrique éditions, 2021

 

 
- Personalmente, non ho mai davvero smesso
di assegnare dei dettati. È un momento
veramente bello. I ragazzi sono estremamente
concentrati, a fare una cosa sola alla volta,
impossibile alzare il naso, altrimenti perdi
una parola, tutti sono ben allineati
nella stessa posizione, si sentono volare le mosche.
Insomma, è molto riposante. E poi
sentono di fare qualcosa d'importante.
Ad ogni modo, fanno finta di sentirlo. La
tentazione sarebbe di dettare tutto, tanto per avere pace.
Ma non funziona. Se detti
una cosa diversa da un dettato, il casino è garantito. Il casino,
il baccano o un po' di rumore è quello che hai
quando non detti un dettato, e questo bisogna ben
metterselo in testa e il più rapidamente possibile,
se non si vuole restare delusi. Dopo, ci sono dei momenti di 
concentrazione molto intensa, da soli o in gruppo,
ma la qualità di silenzio che hai 
col dettato, non c'è niente di comparabile. Solo i prof
che fanno regnare il terrore lo ottengono. Suppongo che si 
pensi che questi prof non esistano più, ma ce ne sono 
ancora, in piccole unità, uno per scuola. C'è un 
secondo vantaggio che hai col dettato: 
è la correzione. Niente di più tranquillo che correggere
un dettato: richiede concentrazione zero.
Puoi benissimo ascoltare la radio o
guardare la tivù allo stesso tempo; è questione di
meccanica. Sempre gli stessi sbagli con le stesse
parole, per cui finisci per passare alla velocità con la V maiuscola
su tutte le copie e fai fuori
una pila di trenta compiti in massimo mezz'ora.
Non c'è niente di più rapido da correggere di un pacco di
dettati. Hai dei voti, li dai, i genitori
capiscono e tutti sono contenti.
Si son potute rompere le palle a dei prof per una frase 
di Artaud o di Zola, un gesto o del-
l'umorismo frainteso, ma non si è mai rotto 
a nessuno perché dava troppi dettati - in 
ogni caso, non ne ho mai sentito parlare. Il dettato con un voto da 1
a 10 è il solo esercizio in cui puoi prenderti un 
- 40 e, che io sappia, un voto così non ha mai stupito
nessuno. - 40, si tratta probabilmente di un dislessico.
Nel 2010, si beccavano ancora tutto il dettato
e la discesa agli inferi. La maggior parte di 
noi credeva che fossero stupidi.
È a quel punto che, a un dato momento, ho capito
che i miei migliori amici erano nulli in ortografia
e che vivevo con un dislessico, scambiato
per un imbecille durante tutta la sua carriera scolastica, che
alla fine aveva fatto degli studi superiori -
esattamente come tutti i miei amici nulli in ortografia. Ma allora
se c'era gente nulla in ortografia e capace
di sviluppare un pensiero e un apprendimento
sensibile del mondo, questo implicava a contrario
che c'era gente dall'ortografia perfetta
che pensava come una patata o che era
davvero mona.
Conosciamo tutti dei mona che non fanno sbagli, no?
Sembra che sulle app di incontri si selezioni
in base all'ortografia
quelli che scrivono senza errori cuccano
quelli che scrivono senza errori 
e si autoselezionano così socialmente,
sottinteso che i poveri sono incapaci 
di allineare due righe e in generale di esprimersi?
È, per così dire, l'esito di un modo 
di vedere le cose, la società come funziona
e come crediamo che sia; per così dire, il
coronamento di un centinaio di anni di scuola
pubblica e privata, cattolica o laica e
dell'obbligo, perché un certo livello in ortografia e il
suo rispetto è uguale in entrambe. Ci si può
massacrare sul tipo di rapporto con il pisello,
ma certamente non sull'accordo del
participio passato con il verbo avere quando il complemento 
oggetto diretto si trova davanti al verbo, in quel caso, tutti
sono d'accordo nel dire che saperlo è una prova di 
intelligenza, dato che non è facile da capire
(e, in effetti, è incomprensibile). Di recente
sono rimasta sorpresa dal fatto che sempre più numerosi sono i  
colleghi che lasciano degli errori 
nelle loro comunicazioni (dall'arrivo del-
l'informatica è tutto uno scriversi). Anche
i ragazzi lo notano :
- Ha visto, il signor XY fa un sacco di errori!
Io modero:
- Anche Lamartine ne faceva un sacco, ed è diventato
deputato. Nonostante tutto, avevo in testa che i 
funzionari non commettono errori, non perché 
il concorso agirebbe magicamente e perché quando
l'avete passato non ne fate più, chiaro,
ma perché l'ortografia è qualcosa 
di estremamente controllato nella funzione pubblica
proprio come sono controllati 
i funzionari (è il cosidetto dovere di riservatezza).
Ebbene, non esiste né l'uno né l'altro.
Non esiste nessun testo di legge che dica che il funzionario
debba avere una buona ortografia. È una pura 
leggenda, quella del decreto del 1832. Ma questo famoso
decreto è esistito solo nelle teste. Idem
per il dovere di riservatezza nell'esercito, ma non
nella pubblica istruzione; è del resto la ragione
per cui un ministro ha recentemente incluso
un trafiletto di legge in cui precisa che ormai
esiste un dovere di esemplarità per i prof
(è perché i prof erano un po' recalcitranti alla sua
riforma; non gli piace che i prof siano recalcitranti). Allora
il dovere di riservatezza nella pubblica istruzione 
è anch'esso esistito solo nelle teste.
È abbastanza inquietante, però, questa mania
di inventarsi delle leggi che non esistono nel diritto e
che vanno tutte nella stessa direzione di più
obblighi. Per esempio
(in ogni caso nella pubblica istruzione)
non ci si mette mai a fantasticare di leggi che vadano verso
più libertà o più uguaglianza. Ci si costruisce
il proprio piccolo diritto interno
che fa muovere la frusta. Più realista del re.
Più dirigente dello Stato. Più
amministratore dell'istituzione.
Più repressivo della
polizia.

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